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« Le numérique peut aussi contribuer à réduire les inégalités de genre »

Egalité & Diversité Publié le 07.04.2025. Mis à jour le 07.04.2025.

Lancé en 2021, le projet « Égalité de genre et transformation numérique » réunit plusieurs institutions académiques autour d’un objectif commun : questionner les effets du numérique sur les rapports de genre, et imaginer des leviers d’action.

Clémence Danesi, collaboratrice scientifique à la HES‑SO, revient sur les enjeux, les initiatives phares du projet et les prochaines étapes pour faire évoluer les pratiques dans les hautes écoles.

En quoi consiste le projet « Égalité de genre et transformation numérique » ?

Le projet « Égalité de genre et transformation numérique » vise à analyser ensemble ces deux dimensions : d’une part, les impacts du numérique sur les inégalités de genre, et d’autre part, la manière dont le numérique pourrait contribuer à les réduire.

Lancé en 2021, ce projet était porté par l’Université de Lausanne, en collaboration avec l’EPFL, la HES‑SO et l’association Strukturelle. Il s’articulait autour de deux axes : l’organisation de grands événements (Assises, conférences, ateliers) pour discuter de ces thématiques, et la production de contenus, avec des capsules vidéo de chercheuses et un livre blanc qui synthétise les échanges et les pistes identifiées.

Depuis cette année, une deuxième phase du projet est lancée, portée par la Haute école de gestion de Fribourg. L’objectif est de proposer des actions concrètes, de continuer à faire vivre la communauté qui s’est créé autour du projet, d’organiser de nouveaux événements et de développer une formation pilote à l’Université de Lausanne.

Pourquoi l’égalité de genre est-elle un enjeu essentiel dans le monde numérique d’aujourd’hui ?

Il existe encore de nombreuses inégalités de genre dans le monde numérique. Elles apparaissent à plusieurs niveaux. Dans les formations, les femmes restent largement minoritaires dans les filières d’ingénierie et d’informatique. C’est aussi le cas dans le milieu professionnel : en Suisse, les femmes ne représentent que 20 % des personnes actives dans les métiers informatiques. Il y a aussi des inégalités en ligne, notamment avec la forte exposition des femmes au cyberharcèlement.

Quels stéréotypes de genre sont les plus présents dans le numérique, et comment influencent-ils la conception des outils et des contenus ?

Un problème important concerne les données, en particulier le manque de données sur les femmes ou produites par des femmes. Un bon exemple vient du domaine de la médecine, où les recherches ont historiquement été menées majoritairement sur des sujets masculins. Il manque donc encore aujourd’hui beaucoup de données sur les corps féminins.

Lors de la création de nouvelles technologies en santé, comme des intelligences artificielles, il y a un risque que ces outils ne prennent pas en compte les réalités et besoins spécifiques des femmes.

Pouvez-vous nous partager un exemple d’initiative en Suisse qui pourrait servir de modèle à d’autres institutions ?

Parmi les initiatives, on peut citer l’entreprise Liip ou l’Ecole 42 Lausanne qui ont mis en place des stratégies pour recruter davantage de femmes dans leurs structures.

Cela passe par des conseils appliqués au recrutement, à la communication, sur la manière d’attirer plus de femmes, mais aussi par des actions concrètes comme l’usage de l’écriture inclusive ou la mise en place de quotas pour garantir une présence féminine dans ces milieux.

Un livre blanc a été réalisé dans le cadre de ce projet, fruit d’un travail collaboratif entre plusieurs institutions. Quels ont été les principaux défis et les apports de cette démarche collective ?

Tout au long du projet, une communauté s’est formée autour de ces questions. Le livre blanc cherche à valoriser cette dynamique en mettant en lumière des exemples concrets et des initiatives déjà existantes. Il ne s’agit pas de réinventer la roue, mais de montrer ce qui est déjà en place et qui fonctionne.

Cette démarche collective permet aussi de rappeler que, contrairement à ce que peut laisser penser l’actualité, les décisions dans le numérique ne sont pas réservées à une élite. Il est possible de se mobiliser en tant que communauté et de participer à la définition de la manière dont les technologies sont conçues.

Le livre blanc propose plusieurs recommandations concrètes. Lesquelles vous semblent les plus prioritaires à mettre en œuvre dans les hautes écoles, et pourquoi ?

Beaucoup d’actions existent déjà pour encourager les jeunes filles à s’orienter vers les filières MINT, notamment via des stages ou des programmes de rôle modèle comme Ingenieuse.ch. Mais il est tout aussi important de s’assurer que, lorsqu’elles arrivent dans ces formations, elles y trouvent un environnement accueillant, sécurisé et bienveillant.

Enfin, une autre priorité serait d’intégrer dans les cursus d’ingénierie et d’informatique des cours sur les inégalités de genre – et plus largement sur les différentes formes d’inégalités – pour que les futur·es ingénieur·es, quel que soit leur genre, soient sensibilisé·es à ces enjeux dans leur pratique professionnelle.